Interview d’Olivier Lannès, guide pour Jeûne et bien être, Naturaliste et Accompagnateur en montagne mais aussi à d’autres heures berger, cueilleur et distillateur de lavande fine …
Olivier, peux-tu nous éclairer sur la lavande ou plutôt les LAVANDES ?
On peut trouver à l’état sauvage en France trois espèces de lavandes ainsi qu’une quatrième espèce très proche, le lavandin. La lavande stéchade Lavandula stoechas est localisée sur les sols acides du pourtour méditerranéen et reste très peu usitée sous forme d’huile essentielle. La lavande aspic Lavandula latifolia est bien reconnaissable à son odeur camphrée, connue des peintres comme Rubens qui l’utilisait comme conservateur des couleurs, elle pousse sur les plateaux calcaires jusqu’à 600 mètres environ. Enfin, la lavande officinale Lavandula angustifolia remplace l’aspic à partir de 600-800 mètres d’altitude et comporte plusieurs noms vernaculaires : officinale, vraie ou « fine », qualificatif qui désigne normalement celle issue du sauvage .
En Provence, lorsque l’on quitte les collines sèches pour la montagne (aux environs de 600 mètres d’altitude), l’aspic et la fine se croisent pour donner lieu à un hybride naturel : le Lavandin
Lavandula hybrida . Très productif en huile essentielle, c’est une plante stérile que l’on reproduit par bouturage et qui a finalement supplanté la lavande pour atteindre une production annuelle de 1000 tonnes d’huile essentielle contre à peine 30 tonnes pour la lavande officinale de culture.
Disons qu’en général, l’odeur de lavande connue de tous est en réalité celle du lavandin !
Peux-tu nous en dire plus sur l’histoire de cette culture et de son usage ?
Elle doit son nom au peuple Romain, du Latin « lavare »qui signifie « laver » . Pline et Dioscoride la mentionne comme plante précieuse et elle traverse les siècles par le biais d’apothicaires ou de bergers qui la distillent pour ses vertus médicinales. Elle est utilisée pour soigner les plaies et comme vermifuge au XVIIIe siècle et reste d’usage commun dans le domaine de l’hygiène et de la beauté.
Au siècle suivant, les populations rurales vont grossir celles des villes de façon importante et ces premières masses urbaines qui consomment en abondance des eaux de toilette et des savons vont donner à la ville de Grasse son nouvel essor : l’industrie du parfum .
A cette même époque, les pays de haute Provence se dépeuplent et les terres pâturées et défrichées laissent place à un sol dénudé où s’implante naturellement la lavande fine. Ces « stations sauvages » vont être favorisées et entretenues pendant plusieurs décennies jusqu’aux premières productions mécanisées dans les années 60.
L’apogée de la fine se situe dans les années 20 et on parle alors de « montagnes bleues ». Ces paysages vont se réduire peu à peu pour laisser place aux fameux champs de lavande qui sont en général ..du lavandin !
Parle- nous de la Lavande fine, de ta production
En dehors de mes activités de guide pour « jeûne et bien être », je suis berger en estive dans le sud de la Drôme et la récolte de la lavande fine s’est imposée de manière naturelle. Les « montagnes bleues » du siècle dernier se sont maintenues uniquement sur les zones de crêtes, principalement grâce au pâturage ovin. J’ai donc monté sur l’alpage un alambic (sur le dos..) afin de récolter et distiller la « fine des crêtes » pour obtenir une huile essentielle de lavande fine sauvage.
Je conserve aussi l’eau florale que je redescend de montagne avec un âne et qui doit sa qualité (comme à tout produit issu de la distillation!) grâce à la plante et à l’eau de distillation issue des entrailles de la terre ! Ça coule de source . Il s’agit donc d’une toute petite production manuelle où j’assure toutes les étapes de la cueillette à la distillation..
Mais qu’est ce qui différencie la lavande sauvage dite « fine » de la lavande de culture dite officinale ou vraie ?
Botaniquement, il s’agit de la même plante, de la même espèce et l’on peut trouver dans le commerce une excellente huile essentielle de lavande officinale mais on notera que l’huile essentielle de lavande fine est bien plus complexe par sa diversité biochimique. Ceci est dû au fait que lorsque l’on cueille en sauvage,chaque pied représente un individu qui par sa couleur, l’altitude, l’exposition ou son substrat rocheux est unique (comme chaque individu!) on parle alors de « lavande de population » à défaut des lavandes de culture que l’on nomme « lavandes clonales », plus uniformisées par le bouturage et la méthode culturale mécanisée.
Comment l’utilises-tu ? Quels sont ses bienfaits et ses différents usages ?
Peut être faut- il commencer par ce qu’elle ne soigne pas ! tant elle possède un large spectre !
C’est la « bonne à tout », la panacée de l’aromathérapie française.
Par voie externe, trois gouttes sur le plexus solaire ou à l’intérieur des poignets permettent de lutter contre le stress et l’agitation, la nervosité ; quelques gouttes sur l’oreiller facilitent le sommeil ; mélangée à une huile végétale elle aide à une bonne décontraction musculaire.
Je l’utilise pour désinfecter des plaies superficielles mais surtout pour cicatriser, elle régénère la peau de façon spectaculaire. C’est aussi un bon insectifuge en prévention des poux ou des mites (sur un morceau de bois dans les armoires !).
Par voie interne, une goutte dans une cuillère de miel calme une gorge irritée ou sert comme vermifuge. On lit aussi dans les ouvrages spécialisés qu’elle est un bon antiseptique pulmonaire, facilitant l’expectoration, qu’elle fait baisser la pression artérielle et facilite la digestion…j’en oubli! j’ajouterais simplement que sur le plan subtil, elle détient et procure une certaine force…
Propos recueillis par Jessica Clément