Si le jeune est de plus en plus étudié par les scientifiques, peu d’études concernent l’activité physique pendant le jeune. les pratiques proposées dans de nombreux centres sont généralement issues soit d’expériences personnelles, soit d’observations de groupes de jeûneurs. Ainsi 2 courants principaux ont émergé. Le courant anglosaxon préconise le repos couché, agrémenté éventuellement de quelques courtes promenades, afin que l’organisme dispose de toute son énergie pour l’élimination des toxines et pour ses « travaux de régénération » : c’est le jeûne statique. Le courant issu d’Europe du Nord, d’Allemagne et de Russie, préconise l’activité physique afin de préserver la masse musculaire. C’est le jeûne dynamique.

En France, 3 attitudes coexistent :

La position hygiéniste (Désiré MERIEN, Association Kousmine Française ) prône plutôt le jeûne statique, avec peu ou pas d’activité physique.

La position de Jeûne et Randonnée : comme son nom l’indique, la randonnée est présente, parfois même intensément.

La position du Réseau Jeûne & Bien-être, qui propose des marches modérées.

Pour le bon déroulement du jeûne, il faut réduire l’activité du système nerveux sympathique et favoriser celle du système nerveux parasympathique : détente et repos sont nécessaires. On veillera donc à éviter les activités trop stimulantes ou trop fatigantes !

Au cours du jeûne, le « carburant » est fourni principalement par les corps cétoniques, synthétisés par le foie à partir des graisses. Il est tentant de vouloir accroître la perte de poids par la pratique d’une activité soutenue. D’autant qu’un certain nombre de sportifs, professionnels ou amateurs, s’intéresse de plus en plus au jeûne.

La complémentarité du jeûne et de la marche

La marche : une activité adaptée au jeûne ? Il est parfois difficile de passer d’un rythme social effréné au repos ! La marche est l’activité physique idéale : elle permet d’occuper l’esprit et limite les ruminations mentales. Mieux, elle est accessible à tous : les sédentaires comme les sportifs. Le retour à la nature conjugué à un rythme paisible favorise la détente et le passage en parasympathicotonie. (2ème phase du jeûne).

Les bénéfices sont multiples :

  • Une amélioration de la respiration
  • Une meilleure oxygénation du sang et des tissus
  • Le travail du foie et de l’intestin devient plus facile
  • Une meilleure circulation du sang
  • Favorise la détox

Tout a commencé en Suède, il y a 50 ans…

En 1954, puis 1964, en Suède, un groupe de médecins organise une marche de 520 km effectuée en jeûnant, afin d’attirer l’attention sur les vertus curatives du jeûne. En 1983, au vu de l’expérience suédoise, Christophe Michl, soixante-huitard allemand, décide de participer aux « marches de la faim » en jeûnant lui aussi, de Londres à Paris. A travers ces marches militantes de protestation en faveur du Tiers-monde, il n’était pas question de santé. La pratique du jeûne à visée physiologique était assez confidentielle. Elle suscitait de nombreuses peurs telles que mourir de faim ou ne plus avoir de forces. Mais randonner en jeûnant, en conservant ses capacités d’effort, comme l’a fait Christophe Michl, a permis d’infirmer ces croyances.

Par sa performance physique, Christophe Michl a suscité l’intérêt pour le jeûne non médicalisé. Il a par la suite proposé des séjours de jeûne d’une semaine sur le modèle de sa propre expérience : jeûner tout en randonnant. C’est en 1990 que son ami et compatriote Gisbert Bölling a importé ce concept en France. Professeur d’éducation physique, celui-ci a opté pour des randonnées assez intensives (12 à 15 km avec parfois plus de 500 m de dénivelé positif).

Grâce à ces précurseurs, le jeûne est désormais connu du grand public. C’est leur méthode que l’on retrouve dans la plupart des centres de l’Association Jeûne et Randonnée créée par G. Bölling.

Pourquoi le réseau Jeûne & Bien-être a adopté la marche douce

Nous avons commencé en nous appuyant nous aussi sur l’expérience des pionniers de Jeûne et Randonnée. Peu à peu, nous en sommes venus à nous interroger sur notre pratique. Nous constations en effet fréquemment l’apparition au fil du jeûne de désagréments persistants : fatigue avec humeur maussade, remontées émotionnelles parfois difficiles à gérer, nausées, ballonnements, douleurs abdominales… douleurs au niveau des lombaires, des sacro-iliaques…. Progressivement nous avons réduit distance et temps de marche (6 à 7 kilomètres et 200 à 250 m de dénivelé positif).

Il existe un lien étroit entre l’équilibre activité/repos physique et le confort du jeûne. Nous avons ainsi observé une nette diminution de l’ensemble de ces désagréments. De plus, dès qu’un signe d’inconfort persiste chez l’un de nos jeûneurs, nous encourageons celui-ci à s’accorder une journée de repos – voire plus si nécessaire. Son état s’améliore alors rapidement. L’excès de fatigue engendré par une activité physique trop soutenue entraîne un effet de stress, ce qui va à l’encontre de la « détox » recherchée. Le corps a besoin de temps et d’énergie pour effectuer son travail métabolique.

Tous les matins nous faisons le point avec chaque jeûneur. En fonction de leur niveau de forme, nous pouvons alors être amenés à conseiller à certains le repos au gîte. C’est le passage d’un jeûne dynamique à un jeûne statique.

S’accorder du temps, se détendre et se laisser “dorloter” n’est pas toujours bien vu !

Dans une société qui valorise l’hyperactivité, la réalisation de prouesses physiques pendant le jeûne peut sembler attractive. Or, le jeûne est révélateur de l’état de chacun. La fatigue accumulée se manifeste, l’organisme réclame le repos et il n’est pas toujours entendu ! Au-delà de son impact sur l’élimination, la modération s’impose d’autant plus que l’on pratique une activité physique au cours d’un jeûne. Ainsi, nous encourageons nos jeûneurs à écouter les besoins de leur corps afin de jeûner dans cet état de Bien-être qui est notre objectif.

Les motivations de nos jeûneurs sont les suivants : éliminer les toxines, se recentrer, se ressourcer, avoir du temps pour soi …. Aucun ne vient pour accomplir une performance sportive.

Nos semaines de stages sont donc organisées pour leur offrir cette pause et ce « nettoyage » auxquels ils aspirent. La journée commence par une séance d’Eveil Matinal Corporel (sophrologie, yoga…) Puis de 10 h à 14 h, c’est la « randonnée ». Il s’agit en fait de balades douces, compatibles avec la physiologie du jeûne : environ 6-7 km, 200 à 250 m de dénivelé positif. Le rythme de marche est tranquille. Les pauses sont nombreuses, permettant d’apprécier pleinement la beauté des paysages et la dimension culturelle de nos séjours. En effet, nos balades sont encadrées par des accompagnateurs professionnels de moyenne montagne. Leurs connaissances sur la faune, la flore, la géologie et l’histoire locale viennent agrémenter chaque pause, pour le plus grand plaisir de nos stagiaires !

Comme notre nom l’indique, nous avons choisi l’Alliance du jeûne et du bien-être, et ce, à tous les niveaux.

Peut-on faire du sport et jeûner ?

Vouloir « faire du sport » pendant une semaine de « jeûne détox » sort du cadre du jeûne à visée « nettoyante » puisque ce nettoyage sera entravé. L’objectif n’est plus : « Comment aider mon corps à éliminer les toxines » mais « Comment réaliser une performance physique tout en jeûnant ». Cela nécessite souvent une gestion du jeûne différente avec hydratation plus abondante et augmentation de la consommation de miel et de jus de fruit (ce que Désiré MERIEN appelle « l’assistance alimentaire ») De plus, au cours d’un jeûne, l’intestin est en plein remaniement : sa muqueuse régresse, les jonctions serrées se relâchent. La dévascularisation induite par l’effort sportif majore ces mécanismes. La prudence est donc de rigueur.


Par Evelyne PICCO, naturopathe responsable des protocoles et des techniques de jeûne au sein du réseau Jeûne & Bien-être, membre du conseil d’administration JBE Développement

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