Une abondance de pièges…

Rappelons ce que nous a appris la lecture des précédents dossiers ; nous avons découvert une multitude de causes d’obésité, leurs intrications et les interdépendances qu’elles avaient entre elles.

Du fait de cette multitude, d’une physiologie humaine complexe et “malgré des décennies de recherche sur les causes de la pandémie d’obésité, nous ne semblons pas plus près d’une solution aujourd’hui que lorsque l’augmentation du poids corporel a été relatée pour la première fois il y a des décennies”(1). Constat navrant d’impuissance médicale.

Dans les deux précédentes interventions, nous avons insisté sur les raisons alimentaires et physiologiques qui défendent irrésistiblement la notion d’acquisition et de sauvegarde des réserves d’énergie sous forme de glycogène et secondairement, mais principalement, de graisses ; nous avons expliqué en grande partie la grande difficulté que nous avons tous à perdre du poids. De plus, l’étude de l’obésité et de ses éventuels traitements se prêtent à d’autres obstacles extraordinaires en raison de l’hétérogénéité des populations et des mesures imprécises et défectueuses de la consommation alimentaire ; des différents types d’activité physique, des compositions corporelles très dépendantes des gènes et de la composition du tissu adipeux, lui-même.

Surpoids et obésité associés à au moins 50 comorbidités

L’obésité est associée à au moins 50 comorbidités. Le problème est que pour la plupart de ces associations on ne sait pas toujours définir la cause de la conséquence. Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil par exemple, maladie sévère expliquée par la répétition d’arrêts respiratoires nocturnes et responsable d’une mauvaise qualité du sommeil entre autres, est aggravé par l’obésité. Inversement cette maladie est responsable de prise de poids. Ces codépendances ajoutent à l’embarras ambiant, tant au sein de la population générale qu’au niveau du corps médical. Devant les variétés de situations, certains (2) ont présenté différents modèles d’obésités, dans l’espoir de mieux percevoir les objectifs thérapeutiques spécifiques pour chacun d’eux. Outre les modèles génétiques, psychologiques et socio-culturels nous aborderons ici essentiellement le modèle “environnemental”, probablement le plus détérioré depuis le début de notre époque “moderne”.

Dans un article récent, Petra Hanson (3) fustige la notion simpliste d’une obésité essentiellement liée à une augmentation de consommation alimentaire et à la diminution des efforts physiques. Nous suivrons sa trace dans ce nouveau dossier.

Voyons ces nouvelles propositions, les unes après les autres, pour tenter d’expliquer le phénomène d’obésité, à un niveau mondial. Peut-être pourrons-nous semer peu à peu les embryons d’alternatives thérapeutiques possibles ?

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La technologie à notre service! En êtes-vous vraiment sûrs?

La cuisine et l’alimentation :

Un peu d’histoire: tout a commencé au XVIIIème siècle…

La progression des idées libérales et un dynamisme économique, influencé par les “lumières écossaises” (Adam Smith notamment) associé à l’accumulation graduelle des machines, ont révolutionné en Angleterre, puis dans toute l’Europe, l’organisation du travail. L’ouvrier a remplacé l’agriculteur. Il a été soumis à des rythmes imposés de travail et a des travaux répétitifs et lourds. La classe ouvrière, majoritairement urbaine, s’est peu à peu organisée en syndicat et de révolte en révolte, ont pu accéder à certains progrès sociaux (du temps) et à des améliorations des conditions de travail et de vie (du confort). Le travailleur est devenu consommateur et s’est approprié d’année en année les outils du confort. 

C’est dans la cuisine que les progrès ont permis, dans un premier temps, de reproduire des recettes régionales ou innovantes, par l’utilisation de machines de plus en plus performantes.

L’équipement des cuisines a facilité l’organisation des repas familiaux. La matière première paysanne locale a disparu, au profit de propositions industrielles d’aliments de moins en moins diversifiés et de plus en plus préparés. La cuisine actuelle, malgré sa sophistication, réchauffe plus qu’elle ne crée.

Peu à peu ces machines ont été mises au service de la communauté en libérant totalement la ménagère qui, à l’instar de son mari, a pu accéder à une vie professionnelle. On a délégué la préparation des repas à l’industrie, et l’industrie, tout en rendant le service d’organiser et fournir une alimentation suffisante pour toute la population, a diminué la qualité alimentaire pour des raisons essentiellement économiques et détourné les conseils de “nutrition santé” à son profit. Ce phénomène s’est répandu au monde entier.

Un monde moderne où tout est fait pour se laisser aller!

L’activité physique :

L’amélioration de notre confort a été le fruit des progrès technologiques des dernières décennies. Ces notions de confort et de progrès s’associent au mythe de la croissance en permettant à tous, dans les sociétés protégées actuelles (notamment occidentales) de jouir d’une qualité de vie et d’un bien-être relatif de plus en plus acceptable mais, insatiable(6). La vie en est devenue moins pénible physiquement grâce à une diminution quotidienne d’activité physique. Cela aboutit aujourd’hui au phénomène inquiétant de sédentarité (moins de 30 mn de marche par jour), considéré comme un des facteurs prédisposant à l’épidémie d’obésité. De l’invention de la machine à vapeur en passant par la bicyclette ou la voiture ou l’avion, l’humain ne marche plus, ne bouge plus. 

C’est une véritable révolution pathologique du 20ᵉ siècle, très amplifiée au 21ᵉ aussi bien par l’arrivée et la généralisation de nouveaux véhicules électriques urbains (scooters, trottinettes, gyroroue ou gyropodes) que par un nouveau mode de vie imposé par la crise de la COVID. Elle a favorisé rapidement le travail à domicile pour une majorité de travailleurs du secteur tertiaire et quaternaire. La technologie nous a en fait poussé, de plus en plus, vers l’état de sédentarité dont les effets sur la santé sont actuellement désastreux (4-5). Le retentissement néfaste de cette tendance se ressent autant au niveau professionnel qu’au niveau domestique et familial. Le temps passé devant la télévision ou un ordinateur (ou tablette) augmente d’année en année, et diminue les temps disponibles pour les activités de marche ou sportives, entres autres. Outre-les répercutions métaboliques, les conséquences psychologiques, sociales et familiales sont innombrables et inquiétantes (6) et deviennent secondairement de nouvelles occasions de prise de poids.

Il est important de souligner que la technicité contemporaine a amplifié le temps de loisirs entre celui dédié au travail et celui à dormir qui ne cesse de décroitre. Cette disponibilité n’a malheureusement pas été dans le sens d’augmentation du temps d’activité physique, mais a imperceptiblement allongé celui passé devant les écrans, et à manger plus souvent, ce qu’auparavant ne permettait pas le travail et le sommeil.

Avez-vous déjà pensé aux conséquences du chauffage sur votre poids?

L’effet du chauffage domestique :

L’Homo sapiens préfère vivre dans un « environnement thermo-neutre » pour conserver le plus confortablement son corps autour de 37° ; la fourchette idéale de température ambiante, c’est-à-dire de nos habitats et de nos lieux professionnels se situe entre environ 22 °C et 32 °C!  Le chauffage central généralisé dans les pays tempérés et froids a fortement réduit les dépenses énergétiques “thermo sensibles” comparativement aux générations précédentes, dont les modes de chauffages imparfaits (bois, charbon…) demandaient des efforts pluriquotidiens pour des rendements médiocres.

Les corvées de bois ont disparu, les écarts de températures entre les pièces de la maison et le gel sur les vitres sont véritablement d’un autre temps. C’est autant de dépenses énergétiques en moins qu’il fallait compenser par l’alimentation.

Ces progrès thermiques limitent les efforts de notre organisme à diminuer les effets du froid extérieur, efforts tout à fait naturels et efficaces (voir schéma ci-dessous) sinon l’espèce humaine aurait disparue….

Les vêtements et l’habitat limitent les déperditions et économisent l’énergie dépensée en compensation. Sur le plan biologique, notre confort thermique a diminué proportionnellement la quantité de “graisse brune” par rapport à la quantité de “graisse blanche”. Les adipocytes (cellules graisseuses) “bruns”, grâce à une différenciation mitochondriale, produisent de la chaleur en “brûlant” les acides gras et le glucose en tant que substrat, plutôt que de l’énergie à visée fonctionnelle. La quantité d’adipocytes bruns est inversement corrélée à l’index de masse corporelle et ils sont moins actifs.

La température ambiante modifie t’elle notre métabolisme?

L’effet du réchauffement climatique :

Au contraire, le réchauffement climatique des dernières décennies, et des prochaines, a provoqué de nombreuses (encore insuffisantes) réactions d’adaptation. La généralisation d’isolations performantes des maisons et l’installation de chauffages à fort rendement ont eu des répercutions au niveau des températures moyennes extérieures mais aussi intérieures. La température moyenne à l’intérieur des maisons basées au Royaume-Uni a ainsi augmenté de 5 °C passant de 13 °C à 18 °C.

La température ambiante influence les dépenses en énergie et notre métabolisme (6). Dans une étude sur des hommes, une augmentation de seulement 6 °C de la température ambiante pendant une période de 24 heures a entraîné une réduction du taux métabolique global de 167 kcal pour cette période de 24 heures (6). L’augmentation de la température ambiante intérieure au cours des dernières décennies pourrait donc prédisposer à une réduction de la dépense énergétique globale de nos organismes qui peut se manifester par une prise de poids progressive (si alimentation constante).

Nous voyons ici que le confort peut avoir un réel impact sur notre santé physique. Une fois les causes identifiées, nous pouvons agir. Mais il existe encore d’autres leviers pour agir sur la perte de poids…

La suite au prochain dossier !

Docteur Philippe Guérin

Le Docteur Philippe Guérin encadre les séjours dans notre institut Jeûne & Santé dans le respect des règles sanitaires

 – Une approche globale médicalisée et personnalisée.
– Une perte de poids durable
– Une préparation à des changements de comportements et d’habitudes au long cours, sans traumatisme.

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    Références

    (1) Hebert JR, Allison DB, Archer E, Lavie CJ, Blair SN. Scientific decision making, policy decisions, and the obesity pandemic. Mayo Clin Proc. 2013;88(6):593-604

    (2) The Obesities. An Overview of Convergent and Divergent Paradigms. Sylvia R. Karasu, MDAm J Lifestyle Med. 2016 Mar-Apr; 10(2): 84–96.

    (3) Obesity : novel and unusual predisposing factors. Hanson P, Weickert MO, Barber TM.Ther Adv Endocrinol Metab. 2020 May 19;11

    (4) The effect of exercise on non-exercise physical activity and sedentary behavior in adults. Melanson EL. Obes Rev 2017; 18(Suppl. 1): 40–49.

    (5) Guérir par la marche. Dr Éric Griez. Ed. Eyrolles

    (6) La tyrannie du bien-être. Benoit Heilbrun. Ed. Robert Laffont 2019

    (7) The epidemiology of sleep and obesity. Ogilvie RP, Patel SR.Sleep Health. 2017 Oct;3(5):383-388. doi: 10.1016/j.sleh.2017.

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